AS Troyes Savinienne
FC Sochaux-Montbéliard
30 Janvier 1955
Championnat France D1
Journée 20
I L'avant match
Le 23 Janvier 1955, le FC Sochaux Montbéliard écrasait Roubaix Tourcoing 5 à 0 et confortait sa 5ème place au classement du Championnat de France de division 1.
De son côté, le l‘AS Troyes Savinienne n’avait pas joué la semaine précédente mais restait sur une victoire 2 à 1 à Monaco et pointait à la 12ème place du classement. Les Troyens sont entraînés depuis 2 saisons par Roger Courtois, légende du FCSM.
L’Est Eclair
30 Janvier 1955
LE STADE DE L’AUBE a cessé d’être le stade de l’eau et l’on pourra jouer dimanche. Les Troyens vont donc se présenter devant Sochaux avec, si l’on ose dire, un dimanche de repos dans les jambes. L’entr’acte du 23 Janvier aura-t-il été pour nos joueurs profitable ou, au contraire, préjudiciable ? L’on serait tenté de faire une réponse de Normand. D’un côté, ce chômage aura permis aux éléments blessés ou fatigués de retrouver validité et fraicheur musculaire. C’est ainsi on le sait que Flamion s’est guéri de son élongation contractée à Monaco et que Ben Tour et Saghir ont pu récupérer de leur lassitude.
Mais, d’un autre côté, cette interruption est susceptible d’avoir provoqué une chute de rythme. Elle est survenue, en effet, au moment même où les marine et blanc semblaient avoir retrouvé leur plein régime. On ne prétendra certes pas qu’un seul dimanche d’arrêt suffit à compromettre une cadence, mais, partant du principe bien connu qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud, il est hors de doute que l’A.S.T.S aurait en intérêt à poursuivre sur sa lancée monégasque.
Mais, étant donné, que seules les circonstances atmosphériques sont responsables de cet état de choses, on aurait tort de se laisser aller à trop de regrets. L’on se bornera donc à retenir l’élément favorable de cet arrêt de dimanche, à savoir la faculté donnée aux Troyens de disposer de tout le monde.
Reste à savoir maintenant ce que peuvent espérer nos représentants devant les Sochaliens en pleine ascension. Si l’on se fiait au résultat du match aller (0-0), on ferait jouer le pronostic en faveur de nos couleurs, mais Sochaux a manifesté, ces dernières semaines, une telle autorité et une telle efficacité que l’on se trouve conduit à une extrême circonspection.
Il est certain que s’ils jouent comme ils l’ont fait à Monaco, c’est-à-dire avec esprit de corps, enthousiasme et réalisme, les hommes de Courtois peuvent espérer arracher le succès nécessaire à la réalisation de leur programme (34 points au terme de la saison). Mais, sur la forme actuelle des Doubistes, il faudra vraiment qu’ils se prodiguent au maximum. Ils auront surtout à craindre la vivacité sochalienne qui se trouverait favorisée par un terrain lourd et le percutant des avants adverses dont on sait qu’ils ont marqué trente buts au cours des dix derniers matches, Salzborn et Muro seront naturellement les hommes à neutraliser.
La venue de Sochaux noue garantit au moins un match de qualité. On peut s’attendre, dimanche, à apprécier du bon football. Nous serions vraiment comblés el nous pouvions applaudir à la fois une grande partie et une victoire troyenne Mais, à choisir, on avoue que l’on saurait se contenter de la victoire.
La présence de Saghir étalt, sous l’avons dit, subordonnée à l’état du terrain. Or, il y a toute probabilité pour que la pelouse soit mieux que jouable et le petit Marocain sera du match au poste d’ailler droit.
A une exception près (Wallet remplacé par Saghir), Troyes alignera donc la même équipe qu’il a quinze jours à Monaco. Lorsqu’on se rappelle le comportement de cette formation, on a tout en de se montrer confiant.
II Le match
Le 30 Janvier 1955, les 2 équipes se présentent dans les compositions suivantes:
AS Troyes Savinienne: Landi ; Thuane, Czapski ; Thomas, Pordié, Ferrad ; Saghir, Delcampe, Bessonart, Flamion, Ben Tifour.
FC Sochaux Montbéliard: Remetter ; Mazimann, Bernardet ; Barret, Bruat, J.Telechéa ; Gardien, Decker, Salzborn, Muro, Leroy.
L’AS Troyes Savinienne joue en maillot marine à bande blanche et le FC Sochaux Montbéliard en maillot jaune.
La rencontre débute à 15H00.
L’Est Républicain
31 Janvier 1955
Les Troyens, qui sont actuellement en forme ascendante, présentent leur meilleure équipe qui est, à une exception près (Saghir remplaçait Wallet), celle qui a vaincu Monaco.
Les Sochaliens se sont passés des services de Faivre qui a déçu jeudi et ont incorporé le jeune amateur Leroy.
Le terrain du stade de l’Aube qui, le dimanche précédent, était submergé par l’inondation, est jouable mais il se révélera, au cours de la partie, très gras.
Salzborn blessé
Les Troyens prennent dès l’engagement l’initiative des opérations, mais au cours d’une contre-attaque menée par les Sochaliens, l’avant centre doubiste Salzborn entre en collision avec Pordié et doit quitter le terrain, victime d’une entorse au genou. Il fera une brève réapparition à l’aile gauche quelques minutes plus tard, mais ne tardera pas à regagner définitivement les vestiaires.
Les Troyens, qui ont maintenant l’avantage du nombre, se lancent dans de rapides montées offensives. L’une d’entre-elles échoue de peu, Bessonart expédiant son tir peu au-dessus de la barre (7e minute).
Saghir réussit une dangereuse percée mais ne peut assurer son tir, gêné qu’il est par les deux arrières franc- comtois.
Les efforts Troyens finissent par porter leurs fruits: Bessonart, mis en possession du ballon par Saghir, passe la défense des visiteurs, laisse venir à lui Remetter, le feinte et pousse la balle dans les buts vides (11e minute.).
Troyes 1 Sochaux 0
Trois minutes plus tard, Flamion réceptionne un dégagement de Remetter, passe le réseau défensif des Sochaliens et dribblant Remetter, glisse le cuir au fond des filets.
Troyes 2 Sochaux 0
La cause parait entendue, d’autant plus que les Troyens s’accommodent assez bien du terrain qui s’alourdit au fil des minutes,
Ben Tifour mystifie la défense franc-comtoise mais shoote nettement à côté (17). Bessonart, à son tour, tente sa chance à deux reprises. Le premier de ses tirs est mal ajusté, le second sera stoppé par Remetter.
…puis Decker et Remetter
Les événements se précipitent lorsque, à la 37e minute, Decker, après une phase de jeu assez confuse, reste à terre inanimé.
A peine l’inter droit des Lionceaux a-t-il été emmené hors du terrain que Remetter, plongeant dans les pieds de Ben Tifour, s’assomme sur le ballon. Le portier international est emmené sur un brancard. Maziman le remplace.
On ne donne plus cher maintenant des chances sochaliennes. Mais à la surprise générale, le FC Sochaux se présente sur le terrain après le repos, amputé d’un nouveau joueur et réduit à sept Bruat, qui a été victime d’une opération du ménisque, se ressent de son genou malade et affirme ne pouvoir reprendre sa place.
L’arbitre, s’appuyant sur l’article 17 du règlement, renvoie les deux équipes au vestiaire, mais ne déclare pas pour autant Sochaux forfait.
Il précise, en outre, que la Commission sportive (au sein de laquelle siège M. Chabrier. directeur sportif de Sochaux) se prononcera, mercredi, sur le résultat de ce match.
III L'après match
Les Réactions
L’arbitre M Bermès qui dirigea la rencontre avec autorité, a vu en l’état du terrain la cause de tous les malheurs Sochaliens et justifia l’arrêt de la partie:
Il était bien difficile de s’arrêter sur un terrain aussi glissant et les trois blessés sochaliens ne peuvent imputer leurs blessures qu’au malheureux hasard et à la témérité de Remetter. En ce qui concerne le résultat, je n’ai pas à me prononcer. Le réglement interdit de continuer un match lorsqu’une équipe présente moins de huit joueurs. Il appartiendra à la Commission Sportive de prononcer sa décision.
Roger Courtois était le plus navré de la tournure prise par la rencontre. Il ne quittait pas le camp Sochalien et s’employait de son mieux à exprimer ses regrets:
Tout allait bien chez nous semblait-il, et je ne peux que regretter ce fâcheux concours de circonstances. Ce serait une injustice, flagrante de nous obliger à rejouer un match que nous avions en main.
Fortuné CHABRIER, directeur sportif du FC Sochaux Montbéliard, exprima le point de vue des Sochaliens:
Nous n’avons absolument rien à reprocher aux joueurs Troyens. Le public n’a pas l’air satisfait de notre attitude ? Mais croyez-moi, nous n’y pouvons rien et si Bruat a refusé de prendre sa place en raison de la souffrance qu’il endurait, je ne pouvais décemment pas l’y obliger. C’est la première fois que je vois cela et je ne comprends pas la nervosité du public. Le match est gagné pour Troyes, c’est indiscutable. La parole est maintenant aux services compétents
Le Docteur CUINET, qui examina les blessés, était formel:
Il est indiscutable que Remetter et Decker, présentant une commotion cérébrale et que Salzborn atteint d’une entorse au genou, ne pouvaient reprendre le match. Mais Bruat pouvait y revenir pour tenir un rôle de figurant.
Les pièces du dossier
IV Epilogue
Le 02 février 1955, la Commission sportive du Groupement statue:
Prenant en considération la décision de l’arbitre en application du paragraphe C de la loi 5 des lois du jeu, la Commission décide de maintenir le résultat obtenu sur le terrain à savoir, A. S. Troyes 2 Sochaux 0.
De son côté Gaby Dormois, l’entraîneur du FCSM, avait dû quitter le terrain sous la protection de la police. Le délégué du match, M. Alleman, consigna dans son rapport que Dormois avait eu une attitude déplacée à l’égard du public et que non seulement il le nargua ostensiblement, mais il eut, de surcroît, un geste obscène. Pour ces faits, Gaby Dormois fut sanctionné.
Le règlement ne prévoyant pas de remboursement lorsque la première mi-temps s’est déroulée dans son intégralité, le public ne fut pas remboursé, ce qui provoqua la colère d’une grande partie des spectateurs.
V Considérations
Fait unique dans les annales du Championnat de France que l’arrêt, faute de joueurs, de la rencontre Troyes-Sochaux qui s’annonçait, pourtant, sous les meilleures auspices. Les deux équipes pratiquant un football de qualité, on ne pouvait qu’espérer assister à un grand match, d’autant plus qu’une grande amitié unissait les deux clubs. La noire malchance qui s’était abattue ce 30 Janvier sur l’équipe Doubiste en décida autrement.
Au final, Sochaux terminera le Championnat à la 5ème place avec 36 points et Troyes à la 17ème avec 30 points, synonyme de relégation en Division 2. 31 points auraient suffi pour se maintenir…
La feuille de match
Stade de l’Aube
8 500 Spectateurs
Arbitre: M Bermès
AS Troyes Savinienne: Landi; Thuane, Czapski; Thomas, Pordié, Ferrad; Saghir, Delcampe, Bessonart, Flamion, Ben Tifour.
FC Sochaux Montbéliard: Remetter; Mazimann, Bernardet; Barret, Bruat, J Telechéa; Gardien, Decker, Salzborn, Muro, Leroy.
Buts AS Troyes Savinienne: Bessonart 11′ Flamion 14′
