Après une 1ère saison d’après-guerre catastrophique qui a abouti à sa relégation, Sochaux, leader avec 2 points d’avance, reçoit son dauphin, le FC Nantes, le Jeudi 13 Mars 1947 au Stade Bonal.
Le FCSM n’a subi qu’1 seule défaite, le 18 Février 1947, à Amiens. Les Sochaliens restent sur une victoire écrasante 6 à 1 face à Colmar. Pour ce match, ils sont privés de Cornille et Pedini.
Le FC Nantes, de son côté, a enchainé 19 matchs consécutifs sans défaite, arrivant invaincu depuis 6 mois. L’ailier gauche, Crépin, blessé, n’a pas fait le déplacement.
Il a plu sans discontinuer pendant 7 jours sur Montbéliard mais la pluie s’est arrêtée le jour de la rencontre.
Les 2 équipes se présentent dans les compositions suivantes:
FC Sochaux: Dessonet, Joly, Pessonneaux, Williams (Hug), Magnin, Zurcher, Courtois, Humpal, Dupal, Parmeggiani et Jacques.
FC Nantes: David, Rivero, Maestroni, Kerdraon, Abautret Eugène, Lemaitre, Scuiller, Gergotich, Lefloch, Abautret Léon et Docquin.
Le FC Sochaux joue en maillot jaune et le FC Nantes en maillot rouge.
La rencontre débute à 12H30.
Le match vu des 2 camps
Journal local
14 Mars 1947
SOCHAUX écrase NANTES par 9 à 0 et atteint ainsi le chiffre record de 100 buts pour 26 matches
En réussissant hier, in-extremis, leur 9e point contre Nantes, les joueurs sochaliens ont atteint le joli total de 100 buts marqués au cours de la saison en 26 matches officiels. Ce qui constitue un record.
Quoique ce match se joue à 12 h. 30, une foule nombreuse (6.000 personnes environ) s’est donné rendez-vous au stade Bonal, et nombreux sont les « gars en cote bleue » qui garnissent la touche.
Le terrain est gras, et par endroit recouvert d’eau.
4 buts en première mi-temps…
Dès le début, le jeu est rapide, mais on note de nombreuses glissades. Sur une attaque bien menée des locaux, Nantes renvole, puis les visiteurs poussent des attaques dangereuses, Jouant rapidement et de demi- volée. Mais Sochaux riposte, et une descente de Jacques, qui centre sur Humpal, est bien près d’aboutir.
A 9 minutes du début, sur un long dégagement de Joly. Parmégiani réceptionne et de près ouvre la marque. Puis, sur un shoot de l’ailler droit nantals, Dessonnet détourne en corner. Nantes joue avec un cœur admirable, et la défense des « jonquilles » a fort à faire.
Un tir de près d’Humpal est bien paré par le goal adverse. Jacques, sur passe de Courtois à 2 mètres, botte au-dessus, alors que 30 secondes plus tard, il shoote à côté. A la vingtième minute, l’arbitre donne pénalty à Nantes. C’est un grand tumulte, mais le coup de pied est tiré à côté.
L’arbitre est conspué et des propos aigres doux lui sont adressés les joueurs s’énervent, le public manifeste. A la vingt-cinquième minute, sur un centre au cordeau de Jacques, Humpal reprend de volée et c’est le deuxième but. Cinq minutes plus tard, bien lancé par Humpal, Jacques dévale le terrain à toute allure, passe à Courtois qui, de l’aile, d’un shoot à ras de terre, inscrit un troisième but fort applaudi.
Juste à la trentième minute. sur une nouvelle descente de Jacques, Humpal réceptionne au but, et c’est le quatrième point.
Nantes n’a qu’un but: mettre un Sochalien hors de combat, et en oublie de jouer la balle. Le jeu y perd naturelle- ment en qualité.
En fin de mi-temps, Sochaux domine nettement, alors que les rouges » ont toutes les peines du monde à dégager.
…et 5 en seconde
La deuxième mi-temps débute au ralenti. La partie est terne, le terrain transformé en bourbier les jonquilles » obtiennent deux corners de suite, sans pour cela augmenter la marque.
A la onzième minute de la reprise, Jacques, qui a réceptionné une passe de Humpal, shotte et c’est un cinquième but. Ce point redonne un peu d’intérêt à la partie, surtout qu’à la dix-huitième minute. Parmégiani sert Humpal, qui descend toute la moitié du terrain le shoot de l’inter droit franc-comtois ne laisse aucune chance au goal, et c’est le sixième but. Il n’y a plus main- tenant qu’une équipe sur le terrain à la vingt-cinquième minute, Courtois part du mi- lieu du terrain, descend et se permet le luxe de dribbler le goal: c’est le septième but.
Courtois shoote une nouvelle fois sur la verticale; une minute avant la fin, après une descente de Parmégiant, Jacques marque un huitième point, qui est le 99 but marqué en championnat par les « Lions >> de Peugeot. Et alors qu’on croit le match terminé, Courtois marque, à l’ultime seconde, un neuvième but, qui sera le centième en 26 matches officiels. C’est un record.
A leur rentrée au vestiaire, les hommes de Wartel reçoivent l’ovation qu’ils méritent.
Journal Loire Atlantique
14 Mars 1947
Fatigué, démoralisé, le F. C. Nantes subit une lourde défaite à Sochaux: 9 à 0
De notre envoyé spécial A. GARNIER
On eut, sans aucun doute, qualifié de fou, qui se fut avisé de prédire que le Football Club de Nantes encaisserait 9 buts sans en rendre un seul à son rival heureux de Sochaux. C’est pourtant ce qui est arrivé hier et si la marque, dans ces proportions catastrophiques est vraiment trop élevée, il nous faut reconnaître que le leader du championnat a fait preuve d’une supériorité très nette. A notre avis, un score de 5 buts à 1 But traduit plus fidèlement la physionomie générale de la partie.
En tout état de cause, sur le terrain bourbeux où ils jouèrent, enfoncés jusqu’à la mi-chaussure, il n’y avait pas de place, hier, pour les médiocres. La classe ne pouvait que parler. Elle parla, et comment! Quant à la chance, elle s’installa également du côté des plus entreprenants.
A l’appel de l’arbitre, les équipes se présentent dans la formation annoncée. Toutefois, au F.C.N., Maestroni joue demi-droit, Lemaitre, arrière et Docquin à l’aile gauche. La pluie, qui tombait depuis 8 jours, s’est abstenue et a fait place à un timide-soleil. 5.000 personnes garnissent les tribunes. Lorsque l’équipe du F.C.N., en maillots rouges, pénètre sur le terrain, une ovation nourrie accueille nos compatriotes, présumés adversaires redoutables, mais, lorsqu’à leur tour les Sochaliens, en maillots jaunes, conduits par Courtois, apparaissent, c’est une longue clameur faite de frénétiques applaudissements qui monte du stade.
LA PARTIE
Sochaux engage, Nantes intercepte et, sur une belle ouverture de Gergotich, une action de Docquin, qui parait être dangereuse, est arrêtée par un hors-jeu, Qu’à cela ne tienne. Nantes, qui semble bien parti, domine. Dessonet est à l’ouvrage et doit intervenir à deux reprises. Puis Kerdraon botte de peu au-dessus. Sochaux l’échappe belle.
Les rares sportifs nantais jubilent. Hélas! il leur faut bientôt déchanter. Rivero, à l’arrière, handicapé par le terrain, ne semble pas à son affaire, Pour comble de malheur, son adversaire direct, Jacques, au contraire, est en grande forme et le danger se précise sur la droite des Nantais. Voici Jacques en action; Il échappe à l’étreinte de Rivero, glisse la balle à Parmeggiani qui vient battre David à bout portant. II y a 10 minutes de jeu.
Nantes ne joue pas battu. En dépit de l’état lamentable du terrain, qui ressemble déjà à un champ labouré, nous assistons à une partie vite, rapide, animée et toujours prenante. Lefloch sert Gergotich, qui transmet à Sculier. Le petit ailler breton tire en puissance et Dessonnet a un mal inouï à mettre en corner. Une belle passe croisée de Maestroni parvient à Docquin. Celui-ci déborde Joly; il est seul et va marquer. Hélas, la barre renvole son shoot. Voici que Léon Abautret s’échappe. Son tir violent est mis en corner (de la main) par Magnin. Le penalty qui s’en suit donne lieu à un violent Incident. La foule, qui n’a pas vu la faute ou n’a pas voulu la voir, hurle sa déception. Après avoir consulté le juge de touche, l’arbitre confirme la sanction. Hélas Gergotich, énervé, botte à côté. Dès lors, il semble bien que Nantes a laissé échapper sa chance.
Le match devient dur. Humpal se distingue par des irrégularités que l’arbitre, influencé par la galerie, ne réprouve pas comme il le doit.
Jusqu’à présent, Nantes s’est bien comporté, mais la fatigue du déplacement et du match dur qu’il joua dimanche, à Avignon, se fait sentir. défense fléchit soudainement. Rivero ne peut maintenir Jacques en respect et le remarquable allier gauche s’en donne à cœur joie. Grâce à lui, Humpal et Courtois marquent à la 28e et à la 30e minutes. Le publie exulte, lorsque le même Jacques, à qui Courtois vient de rendre la politesse, obtient lui même le 4e but.
La mi-temps survient alors que Magnin, sous l’œil impassible de l’arbitre, a touché une nouvelle fois de la main dans la surface de réparation. On pense généralement que les Nantais qui, territorialement, ont-fait jeu égal jusque là, se reprendront après le repos. Hélas, leur handicap pèse lourdement sur leurs muscles déjà bien fatigués. Sochaux, menant le jeu à sa guise, fait, par sa ligne d’avants, une magnifique démonstration de jeu offensif à la fois élégant et efficace. Jacques est un sujet constant menace et obtient bientôt le 5e but, puis viendra un 6e par Humpal. Un hors-jeu entachait ce dernier, but.
A son tour, Courtois mystifie Lemaitre. Courageusement, David bondit dans ses pieds, mais le subtil petit international le feinte et ajoute un 7e but.
Il n’y a plus qu’une seule équipe sur le terrain. Et, à part encore une occasion où Gergotich manque de peu de sauver l’honneur, Nantes ne sera plus jamais menaçant. Deux nouveaux buts, entachés de hors- jeu, ceux-là aussi, sont acquis, coup sur coup, par Humpal et Jacques.
Le 9e but donne lieu à une explosion de joie de la part du public, car ce point est le centième réussi, cette année, en championnat, par le F.C. Sochaux, qui vient de démontrer avec autorité qu’il se trouve digne d’opérer l’an prochain en division nationale.
CONSIDERATIONS
Ce résultat surprenant appelle de nombreux commentaires. En nous promettant de revenir tirer des conclusions sur le plan technique et tactique, contentons-nous de considérer les circonstances défavorables dans lesquelles les Nantais ont dû jouer.
Après une première mi-temps of chacun donna le meilleur de lut- même, avec, cependant, plus ou moins de bonheur, une avarie atteignit la défense et le bateau donna de la bande. L’équipe nantaise, fatiguée, eut bientôt les jambes coupées, si bien que Sochaux n’eut pas à s’employer à fond pour disposer d’elle à son gré. Se démarquant avec une habileté rare, Courtois et ses camarades, toujours les premiers sur la balle, sa passaient le ballon, se le repassaient, réalisant une exhibition splendide.
Sochaux, qui n’avait pas joué dimanche, et qui s’entrainait légèrement chaque jour (à midi), en prévision de cette rencontre, Sochaux, qui possède des moyens et des installations uniques, Sochaux, dont chaque joueur, surtout en avants, possède une belle technique, propre à se manifester sur un terrain difficilement pratiquable, ne pouvait pas être battu.
Il ne servirait de rien d’attaquer nos joueurs. Dans le malheur qui les a atteints, ne retenons que la leçon profitable qu’ils ont reçues et qu’ils mettront à profit, espérons-le, dimanche prochain, contre Lyon. Déplorons qu’il n’y ait pas eu, dans l’équipe, hier, un joueur expérimenté, car c’est surtout de cerveau qu’elle manqua. Le soleil brillait, hier, pour Sochaux, comme il brillait pour Nantes, depuis six mois d’invincibilité.
Les joueurs étaient fatigués après le match et sont rentrés à leurs chambres. On pense que, dimanche, ils seront tous en état de jouer. Regrettons, pour finir, que les sportifs nantais, en ce jour de M Carême, aient eu une cruelle déception pour assombrir la gaieté de cette fête.
Le 13 Mars 1947 à Sochaux, victoire 9 à 0 FC Nantes, championnat D2 J30
Stade Auguste Bonal 6 .000 Spectateurs Arbitre: M Dorme
FC Sochaux: Dessonet, Joly, Pessonneaux, Williams (Hug), Magnin, Zurcher, Courtois, Humpal, Dupal, Parmeggiani et Jacques
FC Nantes: David, Rivero, Maestroni, Kerdraon, Abautret Eugène, Lemaitre, Scuiller, Gergotich, Lefloch, Abautret Léon et Docquin
Buts: Parmeggiani 10 ‘ (Passe Jacques) , Humpal 25’ (passe Jacques) 32’ (passe Jacques) 63 ‘ (passe Parmeggiani) , Courtois 30’ (passe Jacques) 70’ 90’ , Jacques 56 ‘ (passe Humpal) 89’ (passe Parmeggiani)
Au final, le FC Sochaux-Montbéliard terminera Champion avec 141 buts en 42 matchs et un goal average de +80, accédant à la 1ère division. Le FC Nantes terminera 8ème à 18 points.
Ce match d’anthologie sera l’un des derniers de Bernard Williams , légende du club, sous le maillot de l’équipe première.