• Auteur/autrice de la publication :
  • Temps de lecture :43 min de lecture

José Padrón

une légende fabriquée

A l’occasion du 80ème anniversaire de la libération de Paris, nous avons vu ressurgir de multiples portraits idylliques de résistants qui auraient tant œuvré pour combattre le nazisme.

Parmi ceux ci, José PADRON, joueur  du FC Sochaux Montbéliard lors de la saison 1937/1938, est présenté comme un résistant anarchiste Espagnol qui se serait engagé  au sein de  la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, plus connue sous le nom de « La Nueve », unité de la 2e division blindée du général Leclerc.

Sous le commandement du capitaine Raymond Dronne, Padrón aurait participé aux batailles d’ Afrique du Nord , au débarquement de Normandie, à la libération de Paris en ayant été sérieusement blessé par une mine et survécut aux terribles combats contre les unités de la Wehrmacht à la mi-août 1944 à Vieux-Bourg (Basse- Normandie ). Rien que ça…

Hélas, la vérité apparaît tout autre.

Le Footballeur

José Padrón Martín est né le 05 Mai 1907 à Las Palmas, aux Iles Canaries, dans le quartier de La Isleta. Issu du famille très modeste, son cycle scolaire est bref et il travaille très tôt comme manutentionnaire au port de Las Palmas, à la Compañia Escandinava de las Canarias, « Teso del Porteño », ce qui lui vaudra le surnom d’El Sueco, le Suédois.

Tenue Santa Catalina 1924

A 16 ans, il signe en 1923 sa 1ère licence au CD Santa Catalina, club de quartier de Las Palmas et participe au championnat insulaire.  Il se distingue rapidement au poste d’ailier gauche en marquant de nombreux buts. Il est décrit comme « un petit garçon sale et rabougri mais qui avait un génie en lui, le génie du football ».  Après une rude lutte, le  CD Santa Catalina remporte le titre 1924, sur le fil, à la dernière journée.

José Padron santa catalina 1923

✰✰✰✰

Logo Real Club Victoria 1924

Padrón ne s’éternise pas à Santa Catalina. Très courtisé par les clubs de l’île, il s’engage avec le Real Club Victoria, la meilleure équipe de la ville.

Avec ce club, il joue des matchs importants contre de fortes équipes Espagnoles qui se produisent sur l’île. Padrón marque notamment lors d’une victoire mémorable contre le Club Natación de Alicante, renforcé par des joueurs internationaux Espagnols qui avaient remporté la médaille d’argent aux Jeux olympiques d’Anvers en 1920.

À 18 ans, les prestations de Padrón éblouissent le public Espagnol lors de la tournée du RC Victoria  à travers la péninsule de 1925. Les spectateurs des villes importantes comme Valence, Barcelone, Saragosse, Madrid, Terrassa ou Sabadell sont enthousiasmés par son jeu.

A la suite de ses performances magistrales, les critiques sportifs, ainsi que les entraîneurs et footballeurs de renom tels que l’entraîneur national Paco Brú ou le légendaire gardien Ricardo Zamora, considèrent Padrón comme le joueur Canarien le plus brillant.

Sollicité par les plus grands clubs d’Espagne, il choisit  l’Espanyol de Barcelone qu’il rejoint en septembre 1925.

José Padron RC Victoria 1925

✰✰✰✰

Logo Espanyol Barcelone 1924

Lors de la saison 1925/1926, l’Espanyol termine 7ème et avant dernier du championnat de Catalogne. Padrón, repositionné au poste d’inter gauche, joue 9 matchs et inscrit 3 buts. Il participe à la Coupe d’Espagne où l’Espanyol élimine Valence et Iberia en phase de groupes, mais se fait éliminer par l’Atletico de Madrid en quarts de finale après un match décisif. José marque 3 buts en 7 matchs.

A l’été 1926, Padrón part en tournée en Amérique du Sud avec son équipe et sa classe est admirée tant en Uruguay qu’en Argentine. Il réalise de grandes performances contre ceux qui étaient alors considérés comme les meilleurs joueurs du monde, membres des équipes Argentines et Uruguayennes, vainqueurs des Jeux olympiques de 1924 et 1928. L’Espanyol affronte des grandes équipes comme le Nacional de Montevideo, Peñarol et d’autres du Chili, du Pérou et de Cuba.

Lors de la saison 1926/1927, l’Espanyol termine 3ème championnat de Catalogne. Padrón joue 12 matchs et inscrit 4 buts.

Lors de la saison 1927/1928, l’Espanyol termine une nouvelle fois 3ème championnat de Catalogne mais à 1 seul point du vainqueur, le FC Barcelone. Padrón, souvent blessé,  joue 6 matchs et marque 4 buts.

Lors de la campagne 1928/29, l’Espanyol termine 7ème du tout nouveau championnat Espagnol remporté par le FC Barcelone devant le Real Madrid. Padrón ne marque que 2 buts en 14 matchs. Cependant, l’Espanyol est proclamé champion de Catalogne, invaincu après avoir cumulé neuf victoires (dont deux contre le Barça) et un nul.

En Coupe du Roi, l’Espanyol bat le Sporting de Gijón, les Arenas de Guecho et l’Atlecico de Madrid, comptant six victoires en 6 matchs avec 27 buts pour et 13 contre. En demi-finale, il élimine le FC Barcelone et remporte le trophée en battant , à Mestalla (stade de Valence), sur un terrain boueux, le Real Madrid par 2 à 1 (dont 1 but de Padrón) au terme d’un match demeuré historique. El Sueco, auteur de 9 buts en 8 matchs, aura été le grand artisan de ce succès.

José Padron El Sueco Equipe d'Espagne 1929

Le 17 Mars 1929, José Padrón est devenu le premier Canarien à être international Espagnol. Le match a lieu à Séville: l’Espagne bat le Portugal 5 à 0 avec 2 buts de Padron, ce seront ses seuls buts avec la sélection. Entre Mars 1929 et Juin 1930, il honorera 5 sélections et sera titulaire lors de la victoire historique 4 à 3 face à l’Angleterre, invaincue jusque là.

Lors de la saison 1929/1930, l’Espanyol termine 4ème du championnat d’Espagne. Padrón marque 8 buts en 13 matchs.

En mars 1930, Padrón a participé à la plus large défaite de l’histoire  du Real  Madrid concédée en championnat par (8-1) en inscrivant 2 buts. À cette époque, après Ricardo Zamora, El Sueco est le footballeur le plus populaire d’Espagne, enthousiasmant les foules partout où il jouait.

A l’orée de la saison 1930/1931, la situation est tendue avec le club qui reproche à Padrón son comportement général et son manque d’implication. Il est sanctionné à plusieurs reprises et répond par des absences à l’entraînement.

En octobre et novembre, il joue encore 4 matchs de Coupe de Catalogne avec l’Espanyol, marquant 1 but, mais est encore sanctionné financièrement pour son indiscipline.

Le point de rupture intervient lorsqu’El Sueco réclame une somme d’argent pour réaliser la saison qui s’annonce, ce que refuse le board du club. Dès lors, son départ est acté.

Il joue 4 matchs (dont 1 but) puis négocie, en décembre 1930, avec le FC Séville, qui évolue en Deuxième Division, dont le président, Don Ramón Sánchez Pizjuán, ambitionne une ascension rapide en première division

L’accord est conclu contre 75 000 pesetas et un match amical. Padrón, anticonformiste et rebelle dans l’âme, quitte donc l’Espanyol, club de Première Division où il était une idole absolue, et signe au FC Séville, club réputé bourgeois, en Deuxième Division

En 5 saisons sous le maillot de l’Espanyol, il aura disputé 102 matchs officiels et inscrit 52 buts:

1925/1926     20 matchs officiels pour 11 buts

1926/1927     12 matchs officiels pour   4 buts

1927/1928       6 matchs officiels pour   4 buts

1928/1929     30 matchs officiels pour  15 buts

1929/1930     30 matchs officiels pour  17 buts

1930/1931     4 matchs officiels pour      1 but.

En son honneur et à sa mémoire, son nom est apposé à la porte 25 du RCDE Stadium, stade actuel de l’Espanyol de Barcelone.

✰✰✰✰

Logo FC Seville 1932 1935

Lors de ses débuts avec le FC Séville, le 28 Décembre 1930, contre le Real Oviedo, Padrón réalise une performance extraordinaire, inscrivant le fameux but que les Sévillans ont baptisé « le but de la prière dans le jardin » car il l’a marqué avec sa poitrine, en position agenouillée.

Après avoir joué 4 matchs et marqué 1 but, il refuse de jouer contre Castellón le 16 janvier 1931 et quitte Séville en avion pour retourner à Barcelone. Il évoque une prime de transfert de 20.000 pesetas qui ne lui n’a pas été versée. A cette époque, on lui attribue des liaisons avec la moitié de Séville.

Une bataille juridique s’engage entre Padrón et le FC Séville. Elle ne s’achèvera que quelques mois plus tard, lorsque le Canarien sera contraint de retourner à Séville mais la blessure est profonde. Le club termine 3ème et c’est le FC Valence qui est promu.

La saison 1931/1932 est encore pire. Padrón se distingue par ses incessants voyages à Barcelone pour y voir l’Espanyol et être proche des cercles anarchistes de la ville. Le FC Séville termine huitième et l’ennemi, le Betis est promu.

Lors de la saison 1932/1933, la situation empire encore. Seul le retrait de Castellón empêche Séville d’être relégué en division régionale.

En 3 saisons, Padrón n’aura joué que 25 matchs et marqué 4 buts. A l’été 1933 il signe au FC Barcelone, éternel rival de l’Espanyol, qui paye 60.000 pesetas pour s’adjuger ses services et ceux d’un de ses coéquipiers Sévillans.

✰✰✰✰

✰✰✰✰

José Padron FC Barcelone 1933

Au Barça, lors de la saison 1933/1934, Padrón, entre blessures et sanctions pour indiscipline, ne joue que 17 matchs officiels et inscrit 3 buts. Par ailleurs, il dispute 15 matchs amicaux et marque 3 buts. Le FC Barcelone termine la Ligue Espagnole à l’avant-dernière place et évite de peu la relégation. Jack Domby, l’entraineur du Barça, est très critique envers José, lui reprochant sa vie désordonnée, incompatible avec des performances de haut niveau. Sa réputation de coureur de jupons n’aide pas non plus.

En avril 1934, malgré son contrat en cours, El Sueco quitte le FC Barcelone pour commencer la campagne 1934/1935 avec l’Espanyol. Le Barça porte aussitôt réclamation auprès de la Fédération Espagnole. Padrón aura disputé son dernier match officiel avec le Barça le 18 Mars 1934 face au FC Constancia. Son passage au club aura été un échec retentissant et on dit le joueur sur la pente descendante.

✰✰✰✰

Logo Espanyol Barcelone 1935

Sous le maillot de l’Espanyol, El Sueco joue 5 matchs dans le Championnat Catalan, marquant 1 but. C’est alors qu’éclate la Révolution d’Octobre à Barcelone et que l’État catalan est proclamé, présidé par Lluis Companys. Un mois plus tard, en novembre 1934, il quitte l’Espanyol et est en négociations avec Gérone mais il est suspendu par la Fédération Espagnole et ne peut plus évoluer en Espagne.

Il annonce prendre sa retraite à l’âge de 27 ans et, s’étant rapproché du communisme, se concentrer sur son activité politique mais durant l’été 1935, pour subvenir à ses besoins, il enchaîne les matchs avec une équipe de vieilles gloires recrutées par Pépé Samitier, un de ses ex coéquipiers. En octobre 1935, Padrón fuit en France pour s’engager avec l’Olympique d’Alés.

✰✰✰✰

Logo Alès 1935

José Padrón débute la saison 1935/1936 le 03 Novembre 1935, face à Valenciennes, pendant lequel il marque 2 buts: la suite sera moins glorieuse. Il joue au total 21 matchs et inscrit 3 buts. El Sueco n’est pas aligné lors des 2 matchs de Coupe de France joués par son club. Alès termine 16ème et dernier et est relégué à l’échelon inférieur. Padrón est libéré par le club et s’engage avec l’AS Cannes qui évolue en 1ère Division.

✰✰✰✰

Logo AS Cannes 1936

A l’orée de la saison 1936/1937, la guerre civile, prologue de la seconde guerre mondiale, éclate en Espagne en Juillet 1936. Le gouvernement républicain Espagnol doit faire face à une insurrection militaire et nationaliste dirigée par Franco.

Pourtant, curieusement,  Padrón, anarchiste convaincu, ne participe pas à la lutte contre la dictature qui s’annonce et débute sous le maillot Cannois le 30 Août 1936, face à Strasbourg. Il dispute 17 matchs de championnat et inscrit 4 buts, dont 1 contre le FC Sochaux le 1er Novembre 1936. L’AS Cannes termine 14ème et dernier relégable.

En Coupe de France, Cannes atteint les quarts de finale, éliminé par le FC Sochaux Montbéliard. Padrón ne joue que le 32ème de finale face à Grand Combe, marquant 1 but.

N’ayant pas donné satisfaction, il est placé sur la liste des transferts. Il effectue des essais non concluants au RC Lens et au RC Strasbourg.

✰✰✰✰

Logo FC Sochaux Montbéliard années 1935 1940

En novembre 1937, José Padrón signe au FC Sochaux Montbéliard suite à la grave blessure d’Abegglen et emménage avec sa compagne, Rue des Epasses à Sochaux.

Il fait   ses débuts sous le maillot Sochalien le 12 Décembre 1937, au Stade de la Forge, face au RC Lens. Il marque son 1er but lors de son 3ème match, le 02 Janvier 1938, face à Valenciennes. Sur l’ensemble de la saison 1937/1938, il marque 2 buts en 10 matchs officiels et réalise 3 passes décisives.

Ecuson Fcs(1) Der

Le FCSM termine Champion de France, pour la seconde fois de son histoire. Il s’agit d’1 des 3 titres obtenus par Padrón durant sa carrière. José ne participe pas à la déconvenue en Coupe de France à Montpellier.

Son rendement étant jugé insuffisant, Padrón est placé sur la liste des transferts. A cette occasion, on apprend qu’il mesure 1M57 pour 60 Kg. Le 12 Août 1938, il est père d’une fille prénommée Anne Marie qui voit le jour à Montbéliard.

En Septembre, après un faux départ à Mulhouse, il est transféré à Charleville, club de division 2. Demeuré célibataire, il part, a priori seul, abandonnant sa fille et sa concubine qui retourneront sur Cannes. Il ne les reverra jamais.

✰✰✰✰

Logo Charleville Mezieres

El Sueco, évoluant aux côtés des anciens Sochaliens Pedro Duhart et Jano Szabo, réalise une saison 1938/1939 correcte. Charleville termine à la 9ème place d’un championnat de 2ème division de 23 équipes, remporté par le Red Star.

✰✰✰✰

En Août 1939, José Padrón signe au Stade de Reims afin de remplacer Camille Cottin, ancien du FC Sochaux-Montbéliard, transféré au RC Strasbourg. A ce titre, Reims lui verse une somme de 5.000 Francs d’indemnité dite de déménagement sauf qu’El Sueco ne reste que quelques heures dans la capitale Champenoise et engage un bras de fer avec le club car il veut jouer à Paris, au Red Star.

Logo Red Star 1939

Le Stade de Reims cède et prête le joueur aux Audoniens. Dès le mois de Novembre, El Sueco porte réclamation à la FFFA contre le Stade de Reims en invoquant le non paiement d’un arriéré de salaire du mois d’Août de 600 Francs. En réponse, les Rémois mettent leur veto au prêt du joueur au Red Star. Malgré cela, le 03 Décembre, Padrón participe à l’ouverture du championnat de guerre 1939/1940 dans les rangs Audoniens, disputant 4 matchs courant Décembre.

Début Janvier 1940Padrón n’étant pas qualifié, le Red Star perd ces 4 matchs sur tapis vert. Dans la foulée, El Sueco retire sa plainte et le Stade de Reims autorise la qualification du joueur. Au total, Padrón dispute 11 matchs sur 13 et marque 1 but. Le Red Star termine 9ème dans un championnat Zone Nord composé de 10 équipes.

Le prêt étant reconduit, José Padrón joue, sous le maillot Audonien, les 12 matchs du championnat de Zone occupée 1940/1941. Le Red Star termine 1er dans une division composée de 7 équipes.

✰✰✰✰

José Padron El Sueco 1941

Début Juin 1941, il signe au C.A.P Saint Nazaire et perçoit un acompte de 5.000 Francs. Quelques jours plus tard, il signe au RC Paris, échangé par le Red Star contre le joueur Aston. En toute connaissance, Padrón signe donc 2 licences. Le Stade de Reims, qui détient toujours les droits sur le joueur, porte plainte. Au bout de la procédure, José Padrón est suspendu 3 mois par la FFFA et est contraint de porter le maillot Rémois alors que le Red Star est condamné à une forte amende. Saint Nazaire ne récupérera jamais son argent.

Padrón ne joue que 2 matchs du championnat de guerre de zone occupée 1941/1942, en Avril et Mai 1942, et marque 1 but contre… le Red Star. Le Stade de Reims termine 1er d’une division de 9 équipes.

Lors de la saison 1942/1943, Padrón ne joue que 8 matchs sur 30 et marque 1 but. Ses blessures récurrentes et son comportement agacent le board Rémois. Le Stade de Reims termine 5ème sur un championnat Zone Nord composé de 16 équipes, 3 places devant le FC Sochaux Montbéliard.

Logo Reims 1940

✰✰✰✰

Pour la saison 1943/944, à la suite de la réforme du Colonel Pascot, les joueurs professionnels deviennent des fonctionnaires de l’Etat et doivent jouer pour l’une des seize équipes fédérales représentant chacune une région. José Padrón est affecté à l’équipe de Clermont-Auvergne mais il traîne les pieds et ne dispute son 1er match qu’en journée 3, le 20 Septembre 1943.

Il ne joue que 14 matchs sur 29 sans parvenir à marquer le moindre but. Par ailleurs, il participe à 1 match de Coupe de France. Il dispute son dernier match le 30 Mai 1944 à Clermont face à la Guyenne, 1 semaine avant le débarquement des alliés en Normandie.

✰✰✰✰

Dessin José Padron El Sueco

Par la suite, on retrouve sa trace sur les terrains ,dès le 1er Octobre 1944, sous le maillot du Stade Clermontois lors d’un match à Geoffroy Guichard face à l’AS Saint Etienne.

Pour la saison 1946/1947, il est engagé par Brive. Une nouvelle fois, il joue alors qu’il n’est pas qualifié et son club perd plusieurs rencontres sur tapis vert.

En Septembre 1947, il est nommé entraîneur du CS Arpajon, club Auvergnat puis il entraîne Decazeville, dans l’Aveyron, en Août 1949, son dernier poste connu.

A fin des années 1950, il est localisé à Paris, à l’Hôtel Trinite, 74 rue de Provence. Il serait magasinier et vivrait dans la misère. Il décède le 03 Décembre 1966 à l’hôpital La Pitié Salpétrière et est inhumé le 07 Décembre 1966 au cimetière de Thiais.

Son acte de décès soulève plusieurs interrogations :

Il est indiqué une année de naissance en 1909 alors que toutes les sources Espagnoles indiquent une année de naissance en 1907. Sur la liste de transfert de 1938, Sochaux  indique un âge de 29 ans et celle de Charleville de 1939 un âge de 30 ans correspondant à une année de naissance en 1909. Alors, de 2 choses l’une, soit les médias Espagnols font erreur, ce qui est peu vraisemblable, ou soit José Padrón Martin a falsifié son année de naissance (et voire son prénom en Joseph) à son arrivée en France. Mystère.

Il est indiqué une domiciliation du défunt au 24 rue Copernic, à Paris 16ème. L’immeuble situé à cette adresse a été acheté en 1921 par l’Union Libérale Israélite (ULI). Une synagogue est implantée au rez de chaussée et des familles Juives sont logées dans les étages. En 1961, l’immeuble a été surélevé de deux étages pour accueillir des bureaux et des salles de cours. Alors, de 2 choses l’une, soit Padrón était juif, dans ce cas comment aurait-il pu avoir passé la totalité de l’occupation à tant circuler sans être inquiété ?, soit il s’était converti au judaïsme, ou par conviction ou pour pouvoir se loger à moindre frais étant donné sa situation précaire. Là encore, mystère.

Sa fille, Anne Marie Padron-Bizot décède le 08 Octobre 2021 à Eguilles (13).

Considérations

Décrit comme un anticonformiste et un anarchiste dès son plus jeune âge, le parcours sportif de José Padrón présente de multiples incohérences qui laissent perplexe.

Il quitte son île pour l’Espanyol de Barcelone dont les supporters sont réputés nationalistes, à la botte de Madrid. Il devient rapidement membre du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (POUM), de tendance trotskiste. Il aurait également adhéré au syndicat de tendance anarchiste CNT. Pendant 5 ans, il évolue, sans sourciller, dans une ambiance de club à l’opposé de ses idées. A Barcelone, berceau de l’anarchisme Espagnol, il existait le Club Esportiu Júpiter, club ouvrier, qui répondait parfaitement à ses convictions (on raconte que la tribune en bois de leur stade Lope de Vega, situé au cœur des usines, cachait des armes pour assurer les luttes des anarchistes qui composaient le club).

Ce choix peut donc être considéré alimentaire.

Idem pour son départ à Séville. Il signe au FC Séville, club bourgeois,  de surcroît en 2ème Division, en opposition au Betis, club plutôt ouvrier et populaire.

Idem pour son départ en France, motivé par l’argent au détriment de la défense de ses idéaux.

Nul doute que José Padrón a été, au moins pendant ses débuts, un grand footballeur mais on peut raisonnablement estimer que, faisant fi de ses convictions, sa carrière sportive, émaillée de multiples écarts et litiges financiers, a été dictée par une perpétuelle course au cachet et que son comportement et sa mentalité ont été loin d’être exemplaires.

José Padron El Sueco 1938
Ecuson Fcs(1) Der

Le résistant

L’article de Marca résume assez bien les actions et faits d’armes attribués à José Padrón durant l’occupation.
https://www.marca.com/futbol/2016/12/08/58485653e2704e2c768b45a9.html

Réticent à raccrocher ses crampons, Padrón rejoint les cercles communistes français lorsque les troupes allemandes envahissent la France. Lors de la saison 41-42, il faisait partie du Stade historique de Reims . Avec cette chemise, il commence à faire partie de la Résistance . Grâce aux contacts noués en tant que membre du POUM ( Partido Obrero de Unificación Marxista) , qui combattit aux côtés des anarchistes lors des Journées de Mai 1937), Padrón se connecte au PCF . Face à un ennemi géant, les vieilles contestations de gauche ont été reportées.

En 1943, il met le football de côté et rejoint La Nueve , la neuvième compagnie de la 2e division blindée de la France libre , composée d’environ 150 républicains espagnols sous le commandement de Leclerc .

Sous le commandement direct du capitaine Raymond Dronne , Padrón participa aux batailles d’ Afrique du Nord , au débarquement de Normandie et survécut au terrible combat contre les unités de la Wehrmacht à la mi-août 1944 à Vieux-Bourg (Basse- Normandie ). Lors de ces affrontements, La Nueve a subi de nombreuses pertes et une attaque de « tirs amis » par des avions américains.

Peu avant 21h30 le 24 août 1944, José Padrón et ses compagnons de La Nueve font irruption dans le centre de Paris par la Porte d’Italie avec leurs chars . En chantant le populaire « Ay Carmela », ils arrivèrent à l’ Hôtel de Ville avec leurs chars aux noms espagnols et aux insignes républicains, ce qui provoqua la protestation formelle du gouvernement de Madrid , que De Gaulle ignora. On raconte que Padrón entra dans Paris blessé par une mine située sur les bords de la Seine .

✰✰✰✰

Insigne de la Nueve

La 2e Division Blindée (2e DB) a été constituée le 24 août 1943 (1 an jour pour jour avant son entrée dans Paris), au Maroc, sous l’égide du général LECLERC. La Nueve était une des 5 compagnies d’un des régiments de la Division: le IIIe Bataillon du Régiment de Marche du Tchad (ou III-RMT). Dans l’ensemble du III-RMT, le nombre d’Espagnols semble avoir été de l’ordre de 300 ; la plupart étaient des réfugiés de la Guerre d’Espagne, enrôlés en Afrique du Bord (parvenus directement ou via la France). La Nueve était composée de 160 hommes dont 146 Espagnols ou d’origine Hispanique.

Après consultation des différentes bases de référence sur cette division, il ressort que José Padrón ne s’est jamais engagé au sein de la Nueve : son nom est totalement inconnu dans les effectifs. Il n’a donc pu participer ni aux batailles d’ Afrique du Nord de 1943, ni au rassemblement de la Compagnie à Hull en Angleterre, ni à son débarquement en Normandie du 1er Août 1944 et ni aux combats contre les unités de la Wehrmacht à la mi-août 1944 à Vieux-Bourg et à Ecouché.

Plusieurs sources justifient la présence de Padrón par une photographie de la Nueve prise en Angleterre peu avant le débarquement du 1er Août 1944. En réalité, il s’agit du sergent-chef José ZUBIETA, né le 08 Avril 1911 à Almeria.

✰✰✰✰

Les membres de la Nueve de de la colonne Dronne (les 2 tiers environ) sont entrés dans Paris le 24 Août 1944 au soir par la porte d’Italie (ou la porte d’Orléans), guidés par les FFI et sans vraiment combattre, mais n’ont pas libéré la ville. Paris n’a été libéré ni ce soir-là, ni par ces seuls Espagnols. La bataille finale a eu lieu le 25 août 1944 et a impliqué des milliers de combattants des Forces Françaises Libres (FFL) et des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Pour la plupart, ils étaient Français mais nombreux étaient les étrangers dont plusieurs centaines d’Espagnols engagés avec les FFL arrivés les 24-25 août (pas seulement ceux de la 9e Compagnie, mais aussi ceux de la 10e, de la 11e, etc.) et autant d’Espagnols engagés avec les FFI.

Durant son passage au Red Star, José Padrón aurait adhéré au Parti Communiste Français clandestin et été membre de la Résistance. Impossible à vérifier mais là encore, aucune trace de José Padrón dans les bases FFI / FFL/ FFC/ RIF ni dans aucun fait d’armes. On retrouve bien un Padrón mais il s’agit de Pedro Padrón né le 06 octobre 1918 à Las Palmas, peut-être un membre de sa famille, engagé dans les FFL à Londres en juillet 1940 et qui a participé à la bataille de Bir Hakeim.

Lors de l’entrée dans Paris, de nombreux Espagnols étaient venus soutenir leurs compatriotes. Padrón était-il de ceux là ? Possible mais pas avéré.

De même, certaines sources indiquent qu’il aurait été sérieusement blessé suite à l’explosion d’une mine sur les rives de la Seine. Possible mais pas avéré.

A-t-il participé aux combats du 25 Août pour la libération de Paris ? Peu vraisemblable d’autant plus s’il était blessé.

A-t-il  défilé sur les Champs Elysées le 26 Août ? Possible mais pas avéré.

✰✰✰✰

La Nueve a stationné au Bois de Boulogne du 1er au 8 septembre 1944. Plusieurs sources localisent la présence de Padrón sur une photographie prise pendant cette période en compagnie de l’avocate Espagnole Victoria Kent sauf que l’homme présenté porte l’uniforme de la Nueve, ce ne peut donc pas être José Padrón. Là encore, il doit plus vraisemblablement s’agir du sergent-chef José ZUBIETA.

Le 09 Septembre 1944 , la Nueve quitte le Bois de Boulogne direction Vittel pour rejoindre les troupes Américaines. Elle terminera son périple à  Berchtesgaden le 06 Mai 1945 puis sera dissoute. Durant cette période, José Padrón a repris le football en France au plus tard depuis le 1er Octobre 1944. S’il avait fait partie de la Nueve, il aurait dû déserter. Or, il ne figure pas dans aucune liste des déserteurs répertoriés à cette période.

Considérations

José Padrón était un footballeur très connu, voire adulé,  en Espagne. Malgré cela, son nom n’est pas cité une seule fois dans le livre très complet et documenté d’Evelyn Mesquida, La Nueve 24 Août 1944. Au-delà de cet ouvrage et de certains autres, nous n’avons trouvé aucun témoignage des protagonistes de l’époque pouvant confirmer les propos de Marca, repris par de multiples médias, souvent Espagnols, et constituant une bonne part de sa légende.

Le parcours de résistant dépeint ne colle pas avec les antécédents de José Padrón qui n’a participé ni à la Révolution d’Octobre 1934 à Barcelone ni à la guerre civile de 1936, préférant le football et son argent, les filles et la vie facile à la lutte contre les Nationalistes, à l’inverse de la plupart de ses camarades et compatriotes.

On peut exclure son appartenance à la Nueve. Nous savons, par ailleurs, qu’il était à Clermont Ferrand le 30 Mai 1944. On le retrouve étrangement dans cette même ville, 4 mois plus tard, alors que les équipes fédérales ont été dissoutes. Pas certain donc qu’il ait quitté cette région pour assister à la libération de Paris (ce qui n’a rien d’héroïque), et encore moins qu’il ait combattu l’ennemi Nazi. En tout cas, rien ne nous l’a prouvé.

En démêlant le vrai du faux, il ressort que la légende rapportée de José Padrón sur son activité héroïque de résistant a été, au mieux largement magnifiée, au pire totalement fabriquée. Chacun se fera son opinion.

José Padron El Sueco 1938
Ecuson Fcs(1) Der

Cette publication a un commentaire

  1. Domingues
    Domingues

    Bonjour
    Je suis son arrière petite fille, ma grand mère était Anne Marie.
    Je trouve votre article très dur..
    Je vous confirme qu il était bien resistant.
    Il était connu et reconnu par les Allemands, il avait certains passes droits qui lui ont permis d aider et de nourrir des gens, il était bien résistant.
    Si vous souhaitez des renseignements n hésitez pas à me contacter.

Laisser un commentaire