
Eduard PRUSS
Du football à la Gestapo
Eduard PRUSS est né le 02/10/1914 à Vienne. Il démarre le football au Favoritner Athletik Club Wien. Evoluant au poste de demi centre, il joue ensuite au Rapid Oberlaa puis au Wacker Wien et enfin au FFC Vorwärts 06 Wien avant de s’engager dans la légion étrangère.

I
La période FC Antibes
Libéré, il rejoint, à l’été 1937, le FC Antibes Juan Les Pins et y réalise 2 saisons pleines :
• 1937/1938 : 27 matchs (sur 30) en championnat de Division 1 , élimination en 1/8èmes finale de la Coupe de France face au RC Paris. Il est élu meilleur demi-centre de la côte d’azur.
• 1938/1939 : 28 matchs (sur 30) en championnat de Division 1, élimination en 1/8èmes finale de la Coupe de France face à Fives. En Novembre 1938, il est sélectionné dans l’équipe de la ligue du Sud Est. Il ne pourra cependant pas empêcher la relégation du FC Antibes Juan Les Pins, à la différence de buts avec le FC Rouen.

II
La période RC Lens
Evoluant au poste de demi centre, il est décrit comme un excellent footballeur mais au comportement agressif et bagarreur, coutumier d’irrégularités et d’insultes.
A l’été 1939, il est transféré au RC Lens pour une somme très importante (70.000 Francs). Début Septembre, en compagnie de ses compatriotes et coéquipiers Spechtl et Stross, il contracte, dès la déclaration de guerre, un engagement pour la durée des hostilités qui fait alors la fierté du club Nordiste.
Il joue 4 matchs de championnat de France Zone Nord sur 13 d’une saison tronquée par la guerre. Par ailleurs, il fut interdit pendant plusieurs mois, aux Allemands et Autrichiens la pratique du football.
En Mars 1940, Pruss, Spechtl et Stross, les éléments Autrichiens du RC Lens, sont incorporés dans l’Armée Française. Pruss jouera son dernier match pour les Nordistes le 24 Mars 1940 au Parc des Princes face au C.A Paris. Sans lui, Lens échouera en ½ finale de la Coupe de France, le 07 Avril 1940, face à Marseille 1 à 9.

III
La période FC Sète
En octobre 1940, à la grande colère des dirigeants Lensois, il s’engage avec le FC Sète avec lequel il dispute son 1er match de championnat de France Zone Libre le 17 Novembre à Nice. Il enchainera par 15 autres matchs, disputant ainsi l’intégralité de la saison. En Coupe de France, Pruss ne pourra éviter l’élimination, à Marseille, du FC Sète par Toulouse en ¼ de finale.

A l’été 1941, il est à Rennes pour s’engager avec le Stade Rennais mais son transfert est finalement refusé par la FFFA. Contraint et forcé, il retourne donc à Sète. Lors de la saison 1941/1942, il dispute 8 matchs sur les 16 du championnat de France Zone Libre. Le FC Sète terminera 1er devant Toulouse et Alès. Cette annèe là, il n’y aura pas de champion National.
En Coupe de France, Pruss participe à la victoire du FC Sète en finale de la zone libre face à l’AS Cannes mais, de même que son coéquipier Thomazover, il est inexplicablement absent lors de la défaite en finale interzone face au Red Star. Ils ne sont pourtant ni blessés, ni suspendus. Le club communique simplement en indiquant qu’ils ne peuvent faire le déplacement à Paris. Il est admis par les spécialistes de l’époque qu’avec ces 2 joueurs, le résultat aurait été tout autre.

IV
La période Nîmes Olympique
Pour la saison 1942/1943, Pruss évolue désormais au Nîmes Olympique qui a fait suite à la disparition du Sporting Club de Nîmes. Il participe activement à la 9ème place du club obtenue dans le championnat de France Zone Sud.
Début Novembre 1942, Pruss a eu la douleur de perdre sa fillette de 10 ans.
Toujours en Novembre, les Allemands suppriment la Zone Libre. Le 11, les soldats de la Wehrmacht investissent Nîmes. Ils y resteront jusqu’à fin août 1944. Ils prennent leurs quartiers partout dans la ville. La Feldkommandantur, sous les ordres du général Doepping, s’installe boulevard Gambetta, les officiers nazis séjournent Quai de la Fontaine, le commandant d’armes est logé rue Briçonnet, la Gestapo est également présente.
On estime à 2.000 le nombre d’hommes qui occupent ville et à 10 000 l’ensemble des troupes déployées dans le département du Gard.

Suite à la réforme du Colonel Pascot, Nîmes est reversé dans le championnat amateur pour une saison 1943/1944 sans saveur. Pruss est régulièrement aligné.
En Coupe de France, Pruss participe, en Décembre 1943, à l’élimination de Nîmes par l’Equipe Fédérale des Pyrénées par 4 à 1, en 32èmes de finale,.
A la libération de Nîmes par les Alliés en Août 1944, Pruss regagne l’Autriche et Vienne.

V
La période FC Sochaux Montbéliard
Fin Décembre 1945, le FC Sochaux Montbéliard, entraîné par Etienne Mattler, est en grande difficulté dans le championnat de Division 1 1945/1946 et décide de se renforcer.
Il engage le défenseur Oranais Alfred Rodriguez. Par ailleurs, le club souhaite faire revenir Camillo Jérusalem.
Camillo Jerusalem est un des meilleurs attaquants d’Europe. Il avait été recruté en Décembre 1938 mais avait dû quitter le FCSM après un dernier match amical, le 20 Août 1939 à Vittel face à l’Elektromos Budapest. En effet, suite à l’annonce du déclenchement de la seconde guerre mondiale, les ressortissants Allemands/Autrichiens devaient obligatoirement être incorporés au camp de Langres.
Il joue actuellement à l’Austria Vienne. Le FC Sochaux envoie à Vienne un dirigeant, René Cottenceau, afin de négocier son transfert. Sur les conseils de Jerusalem, il profite de son séjour Viennois pour prendre également contact avec Eduard Pruss car la qualification d’Alfred Rodriguez pose problème et le club veut impérativement renforcer son secteur défensif.
Début Janvier 1946, le transfert de Jerusalem est bouclé. Il fera ses débuts le 13 Janvier à Lyon. La licence d’Alfred Rodriguez étant refusée par la FFFA, le club recontacte Eduard Pruss qui accepte ses conditions pour un contrat de 18 mois.

Pruss fait ses débuts en équipe première le 27 Janvier 1946 à Marseille en Journée 20 du championnat de France de Division 1. Il enchaîne, le lendemain, lors d’un match amical à Avignon mais, à 31 ans, ses prestations sont décevantes.
Le FC Sochaux Montbéliard est miné par les blessures. Etienne Mattler, à plus de 40 ans, a rechaussé les crampons et occupe désormais le poste de milieu centre. Pruss ne sera plus titulaire que lorsqu’Etienne palliera les absences en défense.
En Coupe de France, il n’est pas titulaire à Saint Etienne, le 03 Mars 1946, lors de l’élimination en 8emes de finale face à Marseille.
Au final, Pruss n’aura disputé qu’une dizaine de matchs, tout au plus, avec le FCSM.
A la fin de la saison, le FC Sochaux Montbéliard, bon dernier, est rétrogradé en Division 2 pour la première fois de son histoire. Dès début Juin, Pruss est placé sur la liste des transferts en compagnie de Gonzalès, Peot, Irigaray et Givert.
VI
Epilogue
A la mi-Juillet 1946, Pruss est arrêté à Sochaux et écroué à Montbéliard par la justice militaire.
Plusieurs dizaines de témoignages l’accusent formellement d’avoir appartenu à la Gestapo, sous l’occupation, lorsqu’il était à Nimes. Œuvrant comme interprète, il aurait participé à de nombreuses arrestations de patriotes et réfractaires du S.T.O., volant et pillant les demeures des personnes arrêtées.
Avant d’être interrogé sur le fond de l’affaire par un juge militaire, Edouard Pruss nia, en bloc, ce qui lui était reproché, se prévalant du statut de « protégé français« .
L’omerta régnant à cette période post-libération, on perd sa trace après son interrogatoire. On ignore ce qu’il est advenu mais la foultitude de témoignages accablants ne laissent guère de doutes sur sa culpabilité.
Eduard Pruss serait décédé le 18 Octobre 1981.

