Le 19 décembre 1937, le FC Sochaux Montbéliard, tenant de la Coupe de France, était éliminé par le S.O Montpellier par 4 à 0 dès son entrée en lice. Une des plus grosses surprises de l’histoire de la Coupe de France, essentiellement par l’ampleur du score.
Si le résultat du match ne peut être contesté, les manoeuvres qui ont abouti à l’inversement du lieu de la rencontre sont, en revanche, pour le moins condamnables.
Autopsie d’une défaite annoncée
I Chronologie des basses manoeuvres
Le 02 Décembre 1937, la commission de la Coupe de France établit le calendrier de la Coupe de France du 6ème tour (32èmes de finale) : le FC sochaux Montbéliard doit recevoir le SO Montpellier au Stade de la Forge.
A cette époque, Il n’y avait pas de tirage au sort. Les clubs de Division 1 étaient protégés, assurés de ne pas se rencontrer trop prématurément. Il était de tradition que le tenant de la coupe débute la compétition sur son terrain. Par ailleurs, le 28 Novembre 1937, au tour précédent, le SO Montpellier avait, sur son terrain, éliminé Bagnères de Luchon, club divisionnaire, par 14 à 0. L’alternance était de mise.
Dès le 04 décembre, sous la plume d’Emmanuel Gambardella, le journal « le petit méridional » sortait cet article:
Le Petit Méridional
04 Décembre 1937
Dès qu’il a été connu, le calendrier du sixième tour éliminatoire de la Coupe de France a suscité dans les milieux sudistes une émotion bien compréhensible. Six matches intéressant le Sud-Est auront lieu le 19 décembre, et sur ces 6 matches, 4 se dérouleront à l’extérieur de la Ligue, et deux seulement sur son territoire. Les deux seuls clubs amateurs que compte encore le Sud-Est sont sacrifiés; quant aux matches F.C. de Mulhouse-Olympique d’Alès et surtout F. C de Sochaux-S O. de Montpellier, ils se passent de tous commentaires.
Si la commission de la Coupe de France a voulu plaisanter, elle s’y est fort mal prise. Les clubs sudistes qui se sont toujours inclinés devant le sort, si rigoureux leur fut-il, ne s’inclineront pas devant l’injustice.
24 heures se sont à peine écoulées et, déjà, les protestations ont pris corps. Le S. O. de Montpellier, excellemment conseillé et sérieusement épaulé, a fait appel devant le bureau fédéral de l’inique désignation ci-dessus; son appel viendra lundi soir. Il sera représenté devant le bureau; les concours les plus précieux et les plus autorisés lui sont acquis.
N’en disons pas plus long pour ne pas gêner l’action de tous ceux qui n’accepteront pas qu’un club qui a fait ses preuves et a, autant que tout autre, besoin d’encouragements, soit sacrifié et victime de combinaisons.
Au surplus, l’affaire ne se bornera pas là on peut compter qu’elle aura des suites.
Nous en reparlerons.
Le dénommé Emmanuel GAMBARDELLA, qui donnera son nom à la Coupe de France réservée aux juniors toujours en vigueur aujourd’hui, est un Sétois de naissance, installé à Montpellier et très proche du club de la ville.
En 1929, il a été appelé comme expert à la commission créée par la FFFA pour étudier le statut du joueur professionnel et l’instauration du professionnalisme en 1932. Il est président de la commission du championnat de France professionnel, vice-président de la commission de classement et du statut des joueurs professionnels et membre du bureau de la Coupe de France.
Il est, par ailleurs journaliste sportif et collabore notamment au journal l’auto , à Match et à plusieurs journaux du Sud Est.
De fait, cet article est lunaire.
Le 07 décembre, le journal « le Petit Méridional » toujours sous la plume d’Emmanuel Gambardella, publie:
Le Petit Méridional
07 Décembre 1937
Sochaux – S. 0. M. se jouera à Montpellier
A la suite de protestations motivées, des modifications ont été apportées aux trente-deuxièmes de finales qui doivent se jouer le 19 décembre.
Montpellier, qui tombait face à la grande vedette du Championnat, Sochaux, a obtenu finalement gain de cause, en ce sens qu’il lui est accordé de faire jouer cette rencontre sur son terrain, concession qui permettra à son public d’assister en grande foule au choc le plus palpitant de ce tour de Coupe.
Le journal « L’auto » confirme l’information.
L’Auto
07 Décembre 1937
Modifications au calendrier des 32″ de finales de la Coupe de France.
Le Bureau décide de modifier le match de Coupe Sochaux Montpellier qui sera joué à Montpellier au lieu de Sochaux comme prévu au calendrier.
Le FC Sochaux-Montbéliard n’est toujours pas informé de cette décision comme le rapporte le Directeur Sportif du FCSM, Etienne Gredy.
Paris Soir
08 Décembre 1937
A Sochaux, tout était prêt pour recevoir Montpellier.
Gredy ne nous a pas caché sa surprise lorsque nous lui avons appris ce matin que le match de Coupe Sochaux-Montpellier, aurait lieu à Montpellier:
– Toutes nos dispositions étaient prises, nous a-t-il dit. Les affiches sont déjà commandées. Nous avons fait le nécessaire pour obtenir des trains spéciaux et toute la publicité est déjà prête. Nous étions très heureux de recevoir Montpellier. C’est une équipe qui a toujours joué un rôle prépondérant dans le championnat de France professionnel. C’est une des rares occasions qu’aurait eu notre public d’applaudir les exploits des joueurs de Montpellier.
En dehors de ces considérations, il était plus facile pour nous de recevoir Montpellier ce mois-ci, alors que notre terrain est en excellent état, plutôt que de recevoir un autre club au mois de janvier, pendant lequel, dans nos régions très humides, les terrains sont très gras et parfois couverts de neige souvenez- vous de l’année dernière, où nous fumes obligés de remettre plusieurs fois des matches de Coupe.
Non content de ses honteuses manipulations, Gambardella et son entourage firent circuler de fausses informations résumées dans cet article du Petit Marseillais:
Le Petit Marseillais
08 Décembre 1937
Vainqueur de la Coupe la saison dernière, le F. C. Sochaux devait, suivant une vieille tradition disputer chez lui son premier et unique match éliminatoire de la saison présente.
La Commission de la Coupe de France crut bien faire de lui désigner comme adversaire une équipe qui ne paraissait pas très terrible celle des S. O. M., incapable de se qualifier pour le championnat professionnel de deuxième division.
Mais les dirigeants Montpelliérains ne l’entendirent pas ainsi. Ils estimèrent que leur passé et leur brillante tenue dans la Coupe qu’ils gagnèrent de haute lutte, il y a quelques années, leur méritaient quelques égards.
Nous voulons bien affronter les redoutables lions de Peugeot, dirent-ils, à la Commission de la Coupe, mais comme nous pensons avoir notre petite chance, nous désirons jouer chez nous.
Parfait, répondirent ces messieurs de la rue de Londres, si le F. C. Sochaux n’y voit pas d’inconvénient, le match se jouera au Clapas.
Entendu, dirent à leur tour les dirigeants du grand club Franc-Comtois ; nous sommes beaux joueurs et nous acceptons d’aller à Montpellier. Quelques-uns d’entre eux pensèrent sans doute: «notre victoire n’en aura que plus de valeur».
Mensonges: le FC sochaux n’a jamais été consulté et n’a donc pu tenir les propos prêtés par ce journal.
Le lendemain, la République de l’Est, publie, à la fin de son article, la lettre du FCSM adressée à la FFFA qui dément également la version répandue par Gambardella et sa clique dont un certain Abelly.
La République de l’Est
10 Décembre 1937
Est-ce une plaisanterie …ou la vérité ?
Différents confrères ont annoncé que le match de Coupe de France. Sochaux-Montpellier ne se jouerait pas Stade de la Forge mais dans la grande ville du Sud-Est.
Pourtant à la désignation de ce match, on avait prévu qu’il aurait lieu Sochaux.
Alors pourquoi ce changement? Si changement il y a toutefois! Car hier soir le F.C. Sochaux n’avait encore pas été avisé de quoi que ce soit à ce sujet.
Et se basant sur la désignation initiale, ses dirigeants ont déjà engagé pour plus de 1.000 francs de frais de publicité.
Dans ces conditions on se demande comment et pourquoi la commission de la Coupe ferait marche arrière ?
Si elle le voulait faire à tout prix, elle pourrait peut être aussi tenir compte du fait que Montpellier a joué sur son terrain au tour précédent.
Bien mieux ! Elle pourrait encore apercevoir l’anomalie par laquelle, à un tour éliminatoire de l’épreuve, deux clubs pros sont désignés pour jouer l’un contre l’autre.
A qui a-t-on voulu jouer une farce? A Montpellier ou à Sochaux ? En tous cas le principe même de cette désignation est absurde, car il pourrait tout aussi bien nous valoir déjà maintenant des rencontres Strasbourg-Marseille, Sochaux-Rouen ou autre… alors que la logique regrette déjà que de tels matches aient leu prématurément par la fantaisie du tirage au sort.
Nos lecteurs liront avec intérêt la copie de la lettre adressée à ce sujet par le F.C. Sochaux à la F.F.F.A.:
Sochaux, 9 décembre.
Monsieur Delaunay,
Secrétaire général de la 3FA,
22, Rue de Londres, Paris.
Monsieur,
Nous apprenons incidemment par la voix de la presse, que le match de Coupe de France que nous devons jouer normalement à Sochaux, contre Montpellier, se jouerait à Montpellier.
Le reporter de Paris-soir est bien venu interviewer notre secrétaire général au sujet de cette mauvaise nouvelle, mais comme, jusqu’à présent, nous n’avons pas été avisés officiellement, nous prenons la liberté de vous demander si réellement la Fédération a décidé de nous faire jouer à Montpellier.
Dans l’affirmative, nous nous permettons de vous signaler que nous ne com- prenons pas cette décision qui est à l’encontre de toutes les coutumes appliquées jusqu’à ce jour.
En effet, Montpellier, qui a joué son dernier match de Coupe sur son terrain, ne peut pas revendiquer une faveur qui ne s’est jamais vue.
D’autre part, en notre qualité de te- nant de la Coupe, il est plus que logique que notre entrée dans cette compétition se fasse sur notre terrain.
Nous connaissons trop la valeur et le cran de Montpellier pour oser prendre ce match à la légère.
Le 19 décembre, nous serons encore handicapés par l’absence de Mattler qui a été blessé dans les circonstances que vous connaissez.
En plus, nous n’avons pas le droit de ne pas donner un match de Coupe à notre public, vu la grande satisfaction que cette organisation de Coupe lui a procurée au mois de mai dernier.
Nous devons en outre vous signaler que toutes nos affiches de publicité sont déjà posées et que nous avons 1.000 francs de frais environ.
Pour toutes ces raisons, nous vous serions très obligé de bien vouloir faire examiner la possibilité de maintenir le match prévu au stade de la Forge.
Veuillez agréer, Monsieur, nos bien sincères salutations.
Le Secrétaire général.
Heureux hasard, le 11 Décembre, le journal Parisien de Gambardella se faisait fort d’enfoncer le clou par l’intermédiaire du journaliste Jacques de Ryswick.
L’Auto
11 Décembre 1937
POUR EVITER LES RECRIMINATIONS
Le sort doit intervenir sort plus tôt dans la Coupe
On n’ignore pas que le calendrier des 32èmes de finale de la Coupe de France a motivé quelques réclamations. Certains clubs, estimant avoir été désavantagés, ont fait appel au bureau fédéral et l’on sait que celui-ci leur a donné satisfaction.
C’est ainsi que le Stade de Reims, ayant protesté contre le fait d’avoir à rencontrer Boulogne à Boulogne, ira jouer Arras à Arras, l’adversaire prévu pour ce dernier, en l’occurrence l’AS Troyes, étant envoyé à Boulogne. C’est ainsi que le SO Montpellier, estimant n’avoir guère été favorisé en se voyant désigner Sochaux pour adversaire, demanda et obtint de recevoir les tenants de la Coupe au lieu d’aller jouer chez eux.
Mais voici que les décisions du Bureau fédéral motivent, à leur tour, des protestations. En l’occurrence, celles de l’AS Troyes et du FC Sochaux, lequel fait observer que le tenant de l’épreuve a toujours bénéficié du privilège de jouer le premier match de la saison suivante sur son propre terrain.
Il est bien certain que le calendrier élaboré par la Commission de la Coupe fera toujours des mécontents. Il est non moins certain que cette prise en considération par le Bureau fédéral des appels qui lui sont formulés peut créer un précédent dangereux. Imaginez la moitié du contingent des 32emes de finale insatisfait et défilant au bureau des pleurs !
Et l’on en vient à se demander si la FFFA ne va pas se voir obligée d’instituer le tirage au sort dès les 32 de finale. Voire à l’appliquer dès les premiers tours éliminatoires de l’épreuve, après constitution de groupements géographiques, les matches ayant lieu sur le terrain du club sorti le premier, comme cela se fait en Angleterre.
Nous savons toute la difficulté qui préside à l’élaboration d’une journée comme celle du 19 décembre. Nous ne doutons pas que cette besogne complexe et ingrate soit accomplie avec soin, très sérieusement, nous dirons même méticuleusement par les membres de la Commission compétente. On ne pourra cependant empêcher que les combinaisons élaborées par elle donnent lieu à des mécontentements, voire soient suspectées de favoritisme.
Les matches et les terrains désignés par le sort, rien de tout cela ne sera possible. Il sera cruel envers certains. Mais n’est-ce pas sur lui qu’est basée la formule même de la Coupe. Et personne ne songera à la contester.
Nous croyons d’ailleurs savoir que des projets sont actuellement à l’étude pour la modifier en ce sens.
Le 12 décembre, le journal « le petit méridional« , toujours sous la plume d’Emmanuel Gambardella, sortait un article d’une rare hypocrisie.
Le Petit Méridional
12 Décembre 1937
Dans le sillage de la balle ronde
Nous n’avions pas tort de penser que le Bureau Fédéral reviendrait sur certaines des décisions, pour le moins arbitraires, de la Commission de la Coupe de France en ce qui concerne le calendrier du sixième tour éliminatoire qui aura lieu le dimanche 19 courant. D’à peu près partout, des protestations étaient parvenues au 22 de la rue de Londres. L’Alsace notamment a fait remarquer que ses clubs étaient sacrifiés. Dans la nécessité où elle se trouve, par sa faute puisqu’elle n’a jamais voulu demander de modifications au règlement, de « combiner » les rencontres, la Commission de la Coupe de France a été obligée de faire appel à certains principes dont la légitimité est con- testable: c’est ainsi qu’elle évite, par exemple, de mettre en présence deux grands clubs. Comment, dans ce cas, peut-on continuer à dire que la Coupe de France est une épreuve égalitaire ?
Mais d’autres fautes avaient été commises: la Commission de la Coupe de France qui avait entre les mains le calendrier du Championnat de France professionnel, n’avait pas hésité à fixer au 19 décembre, et à Mulhouse, le match Mulhouse-Alès, alors que, huit jours auparavant, les deux mêmes clubs devaient se rencontrer en championnat dans la même ville. Vous voyez les inconvénients multiples qui pouvaient résulter de cet état de choses. Outre qu’un match susceptible de nuire financièrement à l’autre, si un incident s’était produit au cours du premier match, il aurait déteint sur la physionomie du second.
Enfin, lorsqu’on en est amené à « arranger» ainsi un calendrier, il est fatal que certains clubs aient le droit de se déclarer lésés tandis que certains autres peuvent, à bon droit, se considérer comme favorisés.
C’est précisément cela qui est déplaisant. On n’a rien à dire contre le sort, même lorsqu’il se montre cruel, mais on a toujours le droit, et j’ajoute même le devoir, de protester contre le favoritisme.
Des réparations ont été accordées. Elles ne pouvaient pas ne pas l’être. Le match Sochaux-Montpellier est devenu le match Montpellier-Sochaux. La Commission du groupement a décidé que le match du 12 décembre se disputerait non pas à Mulhouse, mais à Alès. Deux autres rencontres ont été changées. Tout cela est bien, mais ce n’est pas suffisant.
Et je suis dès à présent en mesure de vous indiquer que, dès le Conseil National d’avril, au cours duquel est élaboré le règlement de la Coupe de France, un projet sera déposé en vertu duquel le tirage au sort interviendrait dans la Coupe de France beaucoup plus et; peut-être même dès le début de l’épreuve en divisant, au besoin, la France en plusieurs secteurs.
Ainsi chacun serait traité sur le même pied. Ainsi on pourra vraiment dire qu’il n’y a pas en Coupe de France de sacrifiés et de favorisés.
Et si tous les clubs qui ont eu à se plaindre de la façon dont sont arrangés les tours de Coupe, apportent leur voix à ce projet, il ne fait aucun doute qu’il sera voté.
Le 16 décembre, le journal « La république de l’Est » révélait que le FC Sochaux avait été informé, la veille (soit 4 jours avant la tenue du match), que la rencontre aurait lieu à Montpellier. Enfin… mais sans aucune explication.
La République de l’Est
16 Décembre 1937
SOCHAUX JOUERA A MONTPELLIER
Hier matin, le F.C. Sochaux a enfin reçu notification officielle de la Fédération, l’avisant qu’il devrait jouer en Coupe de France dimanche 19 décembre, à 14 heures, à Montpellier.
Aucune explication faisant valoir les raisons de ce changement de programme n’étant donnée et, ainsi qu’il fallait s’y attendre, malgré tout, on se trouve en présence d’un fait accompli.
En conséquence, le F.C. Sochaux se déplacera sur terrain adverse, malgré toutes les raisons valables et logiques qui auraient dû lui permettre de jouer chez lui. Ses couleurs seront vraisemblablement défendues par la même équipe qui joua et battit Lens dimanche dernier avec cette seule différence que Padron sera remplacé par Hoffmann, celui-ci étant qualifié pour la Coupe, alors que le petit international espagnol ne l’est pas.
II Le match
Le 12 décembre 1937, le FCSM battait Lens 4 à 0 et confortait sa place de leader de 1ère Division avec, après 14 journées, 5 points d’avance sur Rouen et 6 sur Marseille.
De son côté, le SO Montpellier avait échoué à se qualifier pour la poule finale de 2ème division à 16 clubs et a été reversé, fin Novembre, dans une poule de classement à 9 équipes. Dans ce cadre, le SOM a été battu sur son terrain le 12 Décembre par le FC Dieppe par 5 à 4.
Le 19 Décembre 1937, les 2 équipes se présentent dans les compositions suivantes:
SO Montpellier: Ventapane, Fabregettes, Kaucsar II, Laune, Sefelin. Erril, Ligier, Perec, Angles, Hertin, Riquier.
FC Sochaux: Di Lorto, Lalloué, Cazenave, Hug, Szabo, Lehmann, Kurt Keller, Fascinek, Courtois, Hoffman, Williams.
Le S.O Montpellier joue en maillot blanc et le FC Sochaux en maillot jaune.
La rencontre débute à 14H00.
Paris Soir
20 Décembre 1937
Le Drame de Montpellier
Assistance record, 12.000 personnes Beau temps mais froid.
Montpellier joue dans la formation annoncée ainsi que Sochaux.
LA PREMIERE MI-TEMPS
Zavadsky, que l’on attendait impatiemment, fait défaut.
D’entrée, Sochaux attaque avec rapidité mais Montpellier défend énergique ment ses buts, obligeant Di Lorto à s’employer.
Le jeu est très vite et passionnant. Aux attaques de Sochaux, Montpellier réplique brillamment par une activité extraordinaire. La balle voyage sans avantage marqué. Soudain, Di Lorto lâche la balle et Lalloué dégage de justesse.
Un coup de théâtre se produit à la 21ème minute; sur centre de Ligier, Di Lorto repousse faiblement du poing et Riquier qui a suivi, rentre la balle dans les filets au milieu de l’enthousiasme que l’on devine.
SO Montpellier 1 Sochaux 0
Trois minutes après, Bereck part seul, centre court et Riquier, d’un ras-de-terre irrésistible, bat Di Lorto qui ne fait pas un mouvement.
SO Montpellier 2 Sochaux 0
Décidément, les locaux sont en verve. A la 30eme minute, sur attaque générale, Angles de près, bat une troisième fois Di Lorto.
SO Montpellier 3 Sochaux 0
Montpellier est déchaîné et domine depuis un bon quart d’heure, devant Sochaux totalement désemparé. Di Lorto loupe encore et Montpellier rate un nouveau but d’un cheveu. Peu après, Courtois, seul devant Ventapane, loge au-dessus. Jusqu’à la mi-temps, Montpellier domine nettement par la rapidité et la vigueur de ses attaques.
A la mi-temps: Montpellier 3 Sochaux 0.
LA DEUXIEME MI-TEMPS
Sochaux repart à l’attaque mais c’est Montpellier qui inquiète à nouveau Di Lorto. Sur attaque de Williams cependant, Sochaux obtient un corner, mais Hoffmann botte au-dessus.
Sochaux attaque toujours, mais la défense montpellieraine fait merveille. Courtois est muselé par Séfelin et Montpellier attaque toujours. Un coup franc de Szabo est bien bloqué par Ventapane. Montpellier ne lâche pas pied, tant s’en faut, et oppose une résistance acharnée aux attaques sochaliennes. Courtois place une tête sur la barre transversale et un shot de Fascinek est bloqué par Ventapane.
Il y a vingt minutes que l’on joue et Sochaux en marque toujours pas. Sur corner, Hoffmann place une tête au- dessus et peu après, sur un cafouillage devant les buts de Montpelier, Séfelin dégage encore et immédiatement Fascinek botte au-dessus.
Montpellier redescend et sur un centre de Ligier, l’ailier droit Riquier place un ras de terre qui ne laisse aucune chance à Di Lorto.
SO Montpellier 4 Sochaux 0
Ce match est splendide; tout joue à l’avantage de Montpellier. Sochaux court après une balle insaisissable et est complètement démoralisé. Les minutes passent et Montpellier obtient un corner qui ne donne rien. Cazenave attaque en emmenant ses demis à l’attaque mais rien ne passe.
Les locaux sont d’une fraicheur remarquable alors que Sochaux parait fatigué et n’opère que par à-coups. Un shot passe au-dessus. Les dernières minutes sont passionnantes au possible. Sochaux est battu, bien battu et Montpellier, qui vit sur son avance, joue la touche à outrance. Soudain, Courtois file seul. Ventapane plonge mais le shot passe et Laune, qui s’est rabattu dans les buts dégage en corner lequel ne donne rien.
Peu après, Hoffmann botte à côté. Sochaux veut sauver l’honneur mais n’y parvient pas malgré sa nette pression de la fin de match. Au coup de sifflet final une ovation est faite aux Somistes qui sont portés en triomphe.
Finalement, Montpellier bat Sochaux 4-0.
L’échec des tenants de la Coupe
En vain, Sochaux domina territorialement. Ses avants ne pouvaient conclure, pressés par une défensive opiniâtre où le gardien de but Vantapane et le demi-centre Sefelin firent merveille.
Une première attaque de toute la ligne des avants montpellierains, un beau centre de l’ailier gauche repris par l’ailier droit Riquier, et Di Lorto était battu pour la quatrième fois.
Il restait quelques minutes à jouer. Sochaux, découragé, se heurta au jeu fermé par les Montpellierains.
La partie était jouée. Les tenants de la Coupe, pour leur entrée en lice, se trouvaient éliminés.
On épiloguera longtemps sur ce résultat, qu’un club de seconde série ait pu tenir en échec une équipe aussi brillante que celle de Sochaux, prouvant une fois de plus combien la Coupe est une épreuve à surprise où le club n’ayant rien à perdre fait preuve, le plus souvent, d’une ardeur et d’une audace qui s’avèrent profitables.
Di Lorto démoralisé
Il faut bien le dire, Di Lorto n’a été que l’ombre de lui-même, accumulant les maladresses, démoralisé par les deux premiers buts, tandis que Sochaux semblait, dès le début, fournir son jeu, Montpellier, sans se laisser le moins du monde démonter, se livra avec une ardeur sans cesse renouvelée.
La première faute de Di Lorto eut un double effet. Sochaux perdit confiance, parut désorienté, alors que Montpellier, sans ses satisfaire de ce premier avantage, eut la clairvoyance de donner une impulsion nouvelle à ses attaques.
Le second but devait aggraver ce curieux climat d’une partie dont l’issue ne semblait pas douteuses au coup de sifflet d’envoi.
On vit alors Sochaux essayer de jouer en finesse, mais celle-ci réclame une liberté d’action que les joueurs de Montpellier ne laissèrent à aucun moment à leurs adversaires. Mieux, à la trentième minute, sur une attaque générale, l’avant-centre de Montpellier Angles marquait un troisième but.
En vain, Sochaux
La seconde mi-temps vit Sochaux attaquer sans cesse, mais l’avance de Montpellier était trop belle pour que sa défensive ne témoigne pas alors d’une ardeur sans pareille.
En vain, Sochaux domina territorialement, ses avants ne pouvaient conclure, pressés par une défensive opiniâtre.
III L'après match
L’Auto
21 Décembre 1937
Montbélliard, 20 décembre. La défaite inattendue des tenants de la Coupe, à Montpellier, a stupéfié tous les sportifs français, surtout par la netteté du score, et demande des explications; aussi, dès le retour de l’équipe nous sommes allés voir M. Grédy qui accompagnait les Joueurs sochaliens, et voici ce qu’il nous a dit :
«Tout d’abord la décision de la FFFA nous envoyant à Montpellier, a été pour nous un handicap certain, ensuite, le terrain sec auquel nos joueurs ne sont plus habitués, jouant sur terrain gras depuis le début de saison, a nécessité une adaptation qui nous a coûté 2 buts au début du match. De plus, nos joueurs ont commis une erreur tactique, surtout notre défense en se portant trop délibérément à l’attaque, acculant ainsi l’adversaire sur ses buts et empêchant nos avants de percer.
Ajoutez à cela que Di Lorto, actuellement fatigué, n’a pas fait sa partie habituelle et vous comprendrez facilement que nos chances de vaincre étaient minimes devant un adversaire décidé comme Montpellier qui jouait là le match de sa vie.
Une fois de plus une bonne leçon se dégage de ce match, nous ne manquerons pas de tirer les enseignements qu’elle comporte. et maintenant. c’est l’esprit dégagé que nous allons nous consacrer au Championnat ».
IV Considérations
La République de l’Est
23 Décembre 1937
LA LEÇON D’UNE DEFAITE RETENTISSANTE
Le tour est donc joué. Bien par les uns, assez mal par les autres.
Aussi qu’il fallait s’y attendre l’élimination prématurée de Sochaux a fait passer à l’arrière plan tous les autres résultats de dimanche dernier.
L’événement du jour étant la victoire de Montpellier et plus encore la défaite des détenteurs de la Coupe de France. Naturellement les commentaires vont bon train.
Ils se fondent en général sur deux thèses absolument opposées et qui peuvent se résumer ainsi :
– « Les joueurs de Sochaux ont pêché par excès de confiance ».
– « Ils ont fait exprès de se laisser battre pour manifester leur mécontentement à l’égard du bureau fédéral qui les a empêché de jouer chez eux comme cela avait été décidé primitivement ».
De prime abord, l’une et l’autre de ces thèses trouvent de nombreux adeptes Mais en examinant les choses moins superficiellement, on se rend compte qu’elles ne sont exactes ni l’une ni l’autre, et cela pour les mêmes raisons.
Voyons, un club, fut-il puissamment soutenu comme l’est le F. C. Sochaux par la Société des Autos Peugeot, peut-il négliger le bénéfice financier qu’il retirerait éventuellement d’une participation prolongée à la Coupe de France ? Croit-on que c’est de gaité de cœur qu’il abandonnerait les 200 ou 250.000 francs que peut lui rapporter le fait d’accéder aux demi-finales ou finale ?
Croit-on que l’importance morale considérable d’une réputation comme celle du F. C. Sochaux se néglige pareillement ?
Les joueurs eux-mêmes raisonnent ainsi. N’oublions jamais qu’ils sont directement intéressés à leur victoire, non seulement au point de vue moral mais au point de vue financier. On a suffisamment parlé l’an dernier des belles primes que valurent aux Sochaliens leurs succès en Coupe. Eh bien cette année, ils s’en passeront, quoi que leur désir était de recommencer.
Excès de confiance ou volonté de se laisser battre, sont donc en contradiction évidente avec l’intérêt même du club et des joueurs.
La cause de la défaite est donc tout autre.
Tout naturellement et comme n’importe quel sportif, nous avons eu le désir de la connaitre dans la mesure du possible.
Sans chercher d’excuse M. Grédy nous a dit en substance ceci :
« Je crois que si certains de nos joueurs avaient mieux appliqué les consignes que nous leur avions données avant le match, Di Lorto eut été mieux protégé. Nous avions surtout préconisé une tactique défensive pendant la première demi-heure de jeu. Elle n’a pas été respectée comme elle aurait dû l’être. Et deux buts de surprises que Di Lorto frigorifié, n’a pas évité, ont semé le désarroi dans notre équipe ».
Voilà une explication d’ordre technique. On ne peut manquer de lui accorder crédit.
Il va sans dire que les dirigeants du F. C. Sochaux plus encore que les joueurs et les sportifs de notre région, sont navrés de la défaite de leur équipe. Ainsi que nous le disions hier ils étaient loin de mésestimer le risque de jouer à Montpellier. Leur réclamation en fait foi. Et si la FFA, cédant à l’influence de quelques-uns de ses animateurs n’a pas daigné lui donner suite, elle est elle-même punie en cette affaire.
Des journaux, nous ont appris que les raisons invoquées par M. Gambardella (de Montpellier et membre du bureau fédéral sauf erreur ?) pour empêcher le match de se jouer à Sochaux étaient surtout d’ordre financier. On a dit que la recette à réaliser à Montpellier serait nettement supérieure à celle que l’on pouvait faire à Sochaux, et que pour cette raison, la part devant revenir à Sochaux et à la FFFA (mais surtout aux SOM) serait bien meilleure. Donc on décida que la désignation du stade de la Forge était mal venue.
Mais à notre grande surprise, nous avons appris que ladite recette atteignit 57.000 francs. Or ce chiffre, eut été tout aussi bien atteint à Sochaux que dans la grande ville du Languedoc. On peut même estimer que pour le seul match de Coupe qui pouvait se dérouler, le stade de Sochaux eut accueilli une foule au moins égale à celle des rencontres importantes du championnat et rien ne prouve que la recette n’eut pas été de l’ordre de 60 ou 70.000 francs comme cela s’est déjà produit maintes fois !
Alors Messieurs de la FFFA, maintenant que l’affaire est dans le sac, pouvez-vous nous dire si elle a été aussi bonne que vous le prétendiez pour les finances fédérales ?
Nous le répétons ce qui est navrant dans cette retentissante défaite, c’est moins le résultat sportif acquis sur le terrain que les tractations qui l’ont précédé et auxquelles certains souvenirs vieux d’il y a deux ans seulement ne manquent pas de pouvoir être rapprochés.
Pourtant, sans qu’il soit question de favoritisme, le F. C. Sochaux mérite mieux que cela, pour la grande part qu’il prend dans les progrès techniques et financiers du football au sens de la F.F.F.A.
Il est évident, en effet, que si les Montpellierains avaient dû venir affronter Sochaux au stade de la Forge, ils eussent été moins à leur aise. Ce qui n’exclut pas l’éventualité toujours possible d’une surprise.
Enfin, on a également parlé de l’absence de Mattler. Certes elle a pu influer, quand on sait l’ascendant moral de ce joueur sur ses camarades, mais l’invoquer serait chercher inutilement une excuse « sportive », alors que la raison matérielle de la défaite réside plutôt, on l’a vu dans une raison de tactique mal observée.
Il reste au F. C. Sochaux, le devoir et la volonté de montrer que s’il n’est pas plus à l’abri d’une défaillance que quiconque, il possède toutefois moyen d’y remédier.
Le championnat peut lui offrir une belle compensation.
Qu’il sache en profiter, malgré les difficultés.
Au final, le principe du tirage au sort intégral dès les 32èmes de finale, destiné à ne plus protéger les clubs de Division 1, ne sera adopté qu’à compter de la saison 1947. Polémique, ce dispositif sera supprimé entre 1954 et 1961 avant d’être rétabli.
La feuille de match
Parc des Sports
12 .000 Spectateurs
Arbitre: M Perrier
S.O Montpellier: Ventapane, Fabregettes, Kaucsar II, Laune, Sefelin. Erril, Ligier, Perec, Angles, Hertin, Riquier.
FC Sochaux: Di Lorto, Lalloué, Cazenave, Hug, Szabo, Lehmann, Kurt Keller, Fascinek, Courtois, Hoffman, Williams.
Buts S.O Montpellier: Riquier 21′ 24‘ 70′ Angles 30′